Voici les explications préparées par les membres CFDT sur l’expertise des comptes 2013 du comité d’établissement de Lamballe
En juin 2014, le CE Lamballe a voté une expertise des comptes 2013 et prévisionnel 2014.
En novembre 2014, le cabinet Alter présentait un rapport d’étape, ne pouvant présenter un rapport complet en raison de documents non fournis par la direction.
Le CE Lamballe a donc été au tribunal demander ces éléments manquants.
Au tribunal, notre avocate a expliqué l’intérêt des demandes et le contexte, ainsi que les enjeux économiques pour les salariés (cas de l’accord ASES), et qu’il est difficile de croire qu’une grosse entreprise comme Cooperl (2 milliards de chiffre d’affaires) n’ait pas de plan prévisionnel d’investissement budgeté ou de politique de rémunération.
La défense de la direction repose sur 3 principaux points : qu’une partie des documents demandés sont sans lien avec la mission, qu’une partie des documents demandés a déjà été remise, et enfin que les autres documents ne sont pas obligatoires et qu’ils n’existent pas. (par exemple, il n’y a pas de comptes pour l’établissement de Lamballe, ni de prévisionnel)
En novembre 2015, le jugement est tombé, obligeant Cooperl à fournir de nouveaux éléments au cabinet d’expertise comptable. (seulement 4, car nous n’avons pas pu prouver l’existence de certains éléments).
Le cabinet Alter, sur la base de ces nouveaux éléments à présenté son rapport complémentaire aux élus CE Lamballe le 28 avril 2016, dont l’audit CCAOF qui vise à s’assurer que les règles de la Cooperl sont compatibles avec les lois, il y a de gros enjeux fiscaux. Egalement, le tribunal a ordonné de remettre les comptes statutaires, qui se conforment à des règles comptables objectives, contrairement à la comptabilité analytique, qui bien qu’elle obéisse aussi à des règles (internes au groupe), n’est pas soumise à des normes objectives
Voici quelques éléments ressortis de l’expertise :
Le rapport d’étape présentait :
- Un groupe ‘riche’ fondant sa stratégie sur 3 piliers : croissance externe, intégration de la filière porcine, et investissements.
- Une entreprise Cooperl Arc Atlantique profitable dans un secteur en difficulté
- La mise en oeuvre de nombreux accords d’entreprise (type ‘‘ASES’’) reflète des enjeux économiques et sociaux majeurs, sans pour autant pouvoir accéder aux études d’impact réalisées en amont
Le rapport complémentaire a ajouté :
- Les marges Cooperl Arc Atlantique font mieux que résister dans un contexte économique difficile
- Cooperl Arc Atlantique joue aussi le rôle d’holding du groupe
- La performance économique des différents ateliers de l’établissement de LAMBALLE dépend en partie des prix de cession internes
- Une évolution défavorable pour les salariés
Nous avons eu très peu de réponses de la part du directeur du site de Lamballe, car il a refusé de parler de tout ce qui concerne l’entreprise ou le groupe Cooperl. Or, la comptabilité Cooperl est faite sur la base de l’entreprise, et non de l’établissement…
D’où l’intérêt de l’expertise qui a été votée en CCE suite à la grève et qui concerne l’Entreprise Cooperl.
1.Un groupe ‘riche’ fondant sa stratégie sur 3 piliers : croissance externe, intégration de la filière porcine, et investissements :
Chiffre d’affaires Cooperl en 2013 : + de 2 milliards d’euros.
En 2012, 2013, 2014, les investissements ont représentés entre 40 et 50 millions d’€ par an.
Le discours de la direction c’est de dire « on est étranglés », alors que les comptes sont positifs. Cooperl a réussi à trouver une stratégie, celle de filière qui rapporte. Elle a également une stratégie de volume, car même si l’IDV perd de l’argent, Cooperl se rattrape sur d’autres activités. La direction a dit des choses justes mais partielles. Et ce discours n’est pas neutre, avec cette logique partielle sur les difficultés c’est + difficile de parler salaires…
Avec près de 200 millions € à fin 2013, le groupe est parvenu à accumuler un niveau de réserves conséquent permettant notamment de limiter son recours à l’endettement.
Le cabinet pointe la solidité financière du groupe.
2.Une entreprise Cooperl Arc Atlantique profitable dans un secteur en difficulté
Nous avons eu plusieurs chiffres sur l’évolution mondiale de la production et de la consommation de porcs.
Cooperl détient 20% des volumes de porcs abattus en France et est en progression alors que le marché français décroit.
Le rapport étudie également comment sont formées les marges de chacun (abatteur, GMS…), et cite sur les coûts de l’abattage-découpe (pas juste cooperl, tous les abatteurs) : la part du coût des matières premières ne cesse d’augmenter, passant ainsi de 76,7% à 79,3% du coût total. A l’inverse, les salaires et charges sociales du personnel ont décru de 2 points pour passer de 12,2% à 10,2%.
Cooperl Arc Atlantique démontre sur une longue période sa capacité à être excédentaire chaque année, même si ce résultat représente moins de 1% du chiffre d’affaires : les bénéfices sont passés de 0,5% à 0,8% de 2011 à 2013.
Sur ~ 13,9 millions € de résultat de l’exercice 2013, ~ 4,5 millions € ont été affectés aux ristournes aux adhérents. (en comparaison : moins d’1 million a été reversé aux salariés cooperl en intéressement en 2013…)
3.La mise en oeuvre de nombreux accords d’entreprise (type ‘‘ASES’’) reflète des enjeux économiques et sociaux majeurs, sans pour autant pouvoir accéder aux études d’impact réalisées en amont
Le rapport pointe l’évolution du nombre de salariés sur le site de Lamballe de 2% par an (hausse + prononcée pour le groupement, l’entretien et l’administratif), alors que le recours au personnel extérieur (intérimaires, tâcherons…) a augmenté de 15,4% entre 2011 et 2013.
En 2013, il y a eu en moyenne sur Lamballe 1 792 salariés Cooperl et 580 intérimaires et tâcherons (24% effectifs)
Le rapport pointe également une progression des licenciements pour cause inhérente à la personne (licenciements non économiques regroupant : licenciement pour incapacité, pour insuffisance professionnelle et pour motif disciplinaire) indiquant (a priori) un recours croissant aux sanctions disciplinaires, notamment à l’abattoir.
Le cabinet a insisté sur les infos manquantes qui étaient demandées par les élus, par exemple les économies envisagées par l’accord ASES, ou par les investissements en cours.
4.Les marges de Cooperl Arc Atlantique font mieux que résister dans un contexte économique difficile
Les experts notent une croissance de l’activité importante (5% de croissance entre 2011 et 2013 pour l’ensemble des activités), surtout pour les secteurs IDS (10%) et environnement (7%).
Il y a également une baisse des achats au cadran.
Cooperl a vu son chiffre d’affaires export progresser de + 19% et son chiffre d’affaires GMS de + 12% en deux ans, attestant de la capacité de la Cooperl à être compétitive aussi bien sur les marchés nationaux et internationaux.
La valeur ajoutée est passée de 9,9% à 10,4% entre 2011 et 2013 (la valeur ajoutée mesure les richesses créées par l’entreprise.)
Les productions vendues progressent de 8% entre 2011 et 2013 notamment les produits frais et aliments (+ 9%) ou les produits congelés (+ 16%).
L’expertise pointe que les honoraires et rémunérations d’intermédiaires représentent des hausses importantes qui reflètent un recours croissant aux expertises extérieures.
5.Cooperl Arc Atlantique joue aussi le rôle d’holding du groupe
Le rapport précise que Cooperl a, entre autre, accordé un prêt de 13 900 000€ à Brocéliande pour une durée 5 ans et taux annuel de 3% afin de financer ses investissements. Ce prêt vient en + de ceux qui avaient déjà été accordés par le passé (12 800 000€, 7 500 000€ et 9 300 000€), il y a également un bail commercial de 9 ans signé (loyer annuel 240 000€).
Le bénéfice réalisé avec les associés coopérateurs (adhérents Cooperl) n’est pas imposable, uniquement les opérations faites avec les tiers non associés (TNA) sont imposables à l’impôt sur les sociétés. Or on constate que les opérations faites avec les TNA sont toujours déficitaires (ce qui interroge l’audit CCAOF), alors que celles faites avec les associés coopérateurs sont toujours bénéficitaires ! L’audit CCAOF a mis en garde la Cooperl car une partie significative des associés (33%) n’est pas à jour des libérations de capital social et donc leurs opérations pourraient être requalifiées et devenir imposables.
6.La performance économique des différents ateliers de l’établissement de LAMBALLE dépend en partie des prix de cession internes
Le rapport d’expertise soulève quelques points :
Les marges des activités amont de groupement sont restées positives.
L’IDS a amélioré sa marge opérationnelle.
L’environnement a une marge très négative.
On note également que l’IDV Lamballe a + de 50% de flux internes (ventes produits non finis entre ateliers) et a une marge négative, alors que l’IDV Rochetoirin se procure 70% de ses achats en interne et a une marge bénéficiaire.
De 2011 à 2013, le nombre de salariés a progressé de 8% à Cooperl et jusqu’à 10 et 11% pour le groupement et l’IDS.
7.Une évolution défavorable pour les salariés
Les richesses crées par l’entreprise Cooperl Arc Atlantique ont progressé régulièrement sur la période (15%), croissance plus forte que celle du chiffre d’affaires (10%), indiquant que l’entreprise est compétitive, mais la part revenant au capital a progressé plus rapidement que celle afférente au travail.
Le recrutement en personnel interne (CDI, CDD,…) demeure modéré. Cooperl calibre le personnel au minimum, et ajuste ses besoins en personnel via le recours à l’intérim et aux tâcherons, en fonction du niveau d’activité. (+ 9% interim et +31% tâcherons)
Les excédents réalisés auprès des adhérents de Cooperl Arc Atlantique ont cru de + 65% entre 2011 et 2013, contre + 11% seulement pour les frais de personnel. L’expert pointe que ceci se passe dans un contexte de dégradation des conditions de travail (accord ASES).
L’expertise met en avant la progression des excédents dégagés par la société qui sont affectés prioritairement aux ristournes adhérents et mis en réserve facultative.
CONCLUSION :
L’expertise conclue :
-que la situation ‘‘alarmiste’’ décrite par les responsables sur le groupe, la société Cooperl Arc Atlantique et l’Etablissement de LAMBALLE mérite d’être relativisée.
-qu’il n’y a pas de comptes de l’Etablissement de LAMBALLE, seulement un suivi analytique de certains ateliers positionnés sur diverses branches et que la dégradation des comptes de l’IDV LAMBALLE entre 2011 et 2013 provient en partie de la méthodologie des prix de cession internes fondée sur le prix de marché.
-que les avantages des salariés ne sont pas nécessairement en ligne avec la réussite de la coopérative mise en place d’accord ASES induisant recul social par exemple, logique ‘productiviste’ affectant les conditions de travail, … )