Voici le courrier que la Direction a envoyé à l'ensemble des salariés du groupe Cooperl Arc Atlantique, le jour de la 1ère réunion de négociation de salaire :
 
Madame, Monsieur, cher(e) salarié(e),

Nous avons rencontré vos organisations syndicales ce jour dans le cadre de la première réunion de négociation annuelle des salaires, cela nous a aussi donné l'occasion de faire un point sur l'état général de notre filière.

Comme vous le savez, l’heure est grave pour la production porcine. Un grand abattoir breton vient de déposer son bilan et s'achemine selon toute vraisemblance vers la fermeture d'un de ses outils. Le secteur n'en sera pas pour autant assaini, il se pourrait même que cela ne soit qu'un début.

Cooperl Arc Atlantique souffre aussi. Notre entreprise est comme les autres soumise depuis plusieurs années à une distorsion de concurrence déloyale : le dumping social allemand. La cause profonde en est le manque d'harmonisation juridique en Europe et en particulier, l'absence d'Europe sociale. L'impact économique sur nos entreprises est énorme: 5€ par porc soit 30 millions d'euros par an à l'échelle de la Cooperl qui a perdu en 2012 beaucoup d'argent sur sa branche industrielle. Les conséquences sociales en seront dévastatrices si nous ne nous remettons pas en cause profondément.

Dans ce contexte, il va de soi que la responsabilité supérieure de la direction et du conseil d'administration de la Cooperl est de tout faire pour préserver notre belle entreprise et l'adapter progressivement aux conditions de notre époque. Si nous y parvenons ensemble, je suis certain qu'elle continuera de se développer.
 
Cette année, nous ne pourrons pas revaloriser, comme par le passé, les taux horaires sans contreparties. Nous avons cependant proposé à vos représentants une nouvelle démarche qui serait de nature à développer les moyens pour préserver nos emplois tout en valorisant les rémunérations conformément à nos valeurs de coopérative. Cette démarche nouvelle doit aussi être bien comprise par chacun d'entre vous, d'où ce courrier exceptionnel que nous vous adressons.

Dans le contexte extrêmement difficile que nous traversons, notre stratégie repose sur trois idées très simples:
- tout d'abord, investir fortement dans nos outils pour tenter de les pérenniser,
- ensuite, assumer pleinement le coût du travail et les conditions sociales en France mais rechercher  coûte que coûte tous les gains de compétitivité possibles, seule manière de ne pas délocaliser notre production et de pouvoir demain encore 'vivre et travailler au pays',
- enfin, combiner le progrès économique avec le progrès social et environnemental par une approche structurée de développement durable, en partageant avec les salariés les progrès réalisés.

L'accord de développement durable complété du nouvel accord d'intéressement des salariés au progrès réalisés dans l'entreprise, signé le 13 février dernier unanimement par vos organisations syndicales (hormis la CFDT de Lamballe), est un outil fantastique pour y parvenir 'gagnant - gagnant'.
 
Ce nouvel intéressement, effectif dès 2013, aura en effet deux composantes :
- la première annuelle, que vous connaissez déjà, est basée sur le résultat de l'entreprise dont une part significative (20 à 30% selon les années) et répartie de manière égalitaire entre tous les salariés.
- la seconde trimestrielle, qui sera appliquée pour la première fois en mai 2013, est fonction de l'amélioration des performances économiques (ratios de productivité matière et main d'œuvre), sociales (taux de fréquence des accidents du travail et des maladies professionnelles) et environnementales (consommation d'énergies, retraitement des déchets, etc.) obtenues dans chaque unité économique du groupe. En simplifiant, si nos performances trimestrielles d'une usine, sur ces trois types de critères, s'améliorent par rapport à la performance moyenne de l'année précédente, alors un intéressement défiscalisable sera versé pour tous les salariés de la même usine en milieu de trimestre suivant. Cet outil vise à partager au plus tôt avec vous une partie de la valeur économique générée par le progrès dont nous sommes ensemble à l'origine. L'entreprise ne peut donner plus qu'elle ne gagne, cela va de soi. Mais progresser crée de la valeur et ce mécanisme de l'Intéressement au Progrès Réalisé dans chaque Unité de travail (IPRU) permet de la partager avec vous de manière immédiate, juste et loyale.
 
Quel est le montant maximal qu'un salarié pourra toucher dès 2013 en année pleine au titre de cet accord ? Six cents euros bruts (4 trimestres que multiplient 150€ bruts au maximum par trimestre), soit une augmentation potentielle de la rémunération nette perçue d'environ 3% pour un salaire mensuel de 1500€ bruts. A quoi continuera de s'ajouter l'intéressement au résultat classique versé en juin comme d'habitude. Toute la question que nous devons ensemble nous poser est donc la suivante : que devons-nous faire, inventer ou essayer pour progresser en termes économique, social et environnemental ? Toutes vos idées sont les bienvenues et les cadres de l'entreprise doivent être pleinement à l'écoute de toutes vos suggestions.

Sur le plan économique simplement, la performance est le résultat de trois facteurs principaux : la qualité, la productivité horaire et la durée du travail. Le groupe Cooperl va doubler ses investissements industriels cette année, ce qui ne manquera pas de participer fortement aux progrès économiques, sociaux et environnementaux que nous enregistrerons j'espère. Ceci dit, il nous faut aussi voir les choses en face: si nous voulons progresser à long terme, alors nous devrons reparler des cadences ou de la durée du temps de travail.
 
L'augmentation des cadences sur la base d'autres schémas organisationnels n'est pas nécessairement synonyme de dégradation des conditions de travail. Nos équipes d'études industrielles ont démontré que remettre en cause nos méthodes en ayant le souci d'améliorer l'ergonomie des postes peut permettre de trouver la solution pour produire plus et mieux. Pour ce qui concerne la durée du temps de travail, l'accord 35H qui régit notre organisation pourra vraisemblablement être rediscuté dans les semaines qui viennent. En effet, les partenaires sociaux à l'échelon national (CDFT, CFTC et CGC pour les salariés) ont signé le 11 janvier 2013 un grand accord dont la vocation est de permettre aux entreprises en difficulté d'adapter temporairement la durée du travail et les salaires en contrepartie d'une garantie du maintien de l'emploi. Nous avons proposé aux organisations syndicales d'explorer cette voie.

Concrètement, que propose-t-on de nouveau? Engager une négociation 'Productivité - Emplois - Salaires' qui formaliserait les engagements réciproques suivants : pour une durée à définir, la direction s'engagerait non seulement à ne pas réduire mais à développer le nombre de Contrats à Durée Indéterminée tout en augmentant les salaires mensuels en contrepartie d'un accord syndical portant sur l'allongement du temps de travail.

Cette piste est nouvelle pour beaucoup, j'en conviens parfaitement. Ceci dit, notre conviction profonde est qu'elle est inévitable à terme. L'économie et la concurrence sont internationales, ne nous leurrons pas en croyant pouvoir rester isolés du reste du monde. A l'heure où l'on parle de la fermeture d'un premier grand abattoir breton, ne passons pas, nous, à côté du véritable sujet. Ce serait dramatique pour chacune de nos familles demain. Prenons plutôt conscience que des réformes profondes sont également nécessaires à la Cooperl et qu'il est encore temps de les faire dans de bonnes conditions.

Comptant sur la réflexion et le sens des responsabilités de chacun, nous vous prions de croire, Madame, Monsieur, cher(e) salarié(e) en l'expression de nos salutations respectueuses.
 
                                                Le Directeur Général

 



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